Nous aimerions partager avec vous
l'expérience vécue par un jeune belge et la communauté indigène
de Conte Burica, avec l'appui de notre asbl.
Henri Dupont était en 3éme bachelier
en sciences agronomique et réalisa son stage dans cette communauté
bien connue de Mariposas (Meeest asbl) en 2019. Marie De Bouver
présidente de l'asbl fût sa maître de stage.
De septembre à décembre, il séjourna
dans une famille Ngöbe.
Pour nous qui nous intéressons aux
minorités notamment ethniques, son stage et son rapport de stage
nous permettent de mieux connaître le mode
de vie de cette famille Ngöbe de Conte Burica et ceci depuis le
point de vue d'un étudiant européen.
Grâce à ses recherches, Henri nous
apprend que les Ngöbes pratiquent traditionnellement l'agriculture
itinérante, mais que « suite à la diminution de la
productivité de ce système de vie du fait de la pression démographique, de
la dégradation de leurs terres et la pression urbaine, certains Ngöbes ont intégré le travail de
producteur agricole, éleveur ou encore salarié. ».
Lors de son stage, Henri séjourna dans
une famille du village et participa à la vie de la ferme familiale.
Il put ainsi observer et participer au
cycle défrichement/ensemencement et ensuite
transformation/conservation de cultures aussi variées que riz,
manioc, piments, bananes, mandariniers, cocotiers,...
Il s'occupa également des animaux de
la ferme, notamment en les nourrissant au moyen des cultures de
l'exploitation familiale et alla au bout du processus en participant
à l'abattage et à la transformation de la viande pour qu'elle
puisse être vendue sur le marché local.
Henri appris également la pêche, la
chasse et la cueillette qui font partie des pratiques régulières de
cette famille.
Outre cette immersion dans la vie et le
travail de cette famille de la communauté Ngöbe de Conte Burica,
Henri lança le projet d'un corridor biologique par l'étude générale
et la reforestation de ce corridor pour permettre la libre
circulation de la faune entre les différentes parties de la jungle.
La forêt a subi dans cette région
d'immenses dégâts suite aux événements climatiques
catastrophiques liés au changement climatique ces 10 dernières
années. Les défriches effectuées auparavant dans cette zone
fragilisent également la foret.
« Grâce à cette immersion de
quatre mois en territoire Ngöbe, Henri nous renvoie à notre
responsabilité dans le changement climatique qui, comme on le sait
touche en premier lieu les plus vulnérables.
L'expérience a été très riche en
enseignement pour lui : intime compréhension de la possibilité
d'un lien différent entre l'homme et la nature, choc interculturel ,
difficulté de vivre « sans réseau télécom ».
Henri nous a montré que ces prises
de conscience sont à la portée de chacun de nous pour peu par
exemple que nous nous intéressions vraiment à ce que vivent les
peuples éloignés de notre vie « à l'occidentale ». »
Hugues Jouret, Mariposas asbl
Rapport de stage de Henri
Introduction du projet
Henri Dupont
Il faut savoir que ce projet de corridor
biologique ne s’insère dans aucun programme de développement national ou
international. Il est une initiative indépendante de la famille indigène dans
laquelle j’ai vécu, qui est ensuite soutenu par l’organisation belge grâce à
laquelle j’ai été intégré à ce projet (Mariposas en el estómago a.s.b.l.). Ce
projet trouve son origine dans les conséquences des phénomènes météorologiques
catastrophiques vécus ces dix dernières années, en lien avec le changement
climatique. Celles-ci participent à la fragilisation de la structure
organisationnel et social des indigènes en tant que communauté autonome et
participent au morcellement de la forêt tropicale humide, un ensemble d’écosystèmes vital pour la survie de
nombreuses espèces de la faune et de la flore locale.
Globalement, le territoire indigène Ngöbe
de Conte-Burica (TINCB) est situé dans la province de Puntarenas, dans les
cantons de Golfito et Corredores. C'est la seule réserve autochtone du Costa
Rica qui a frontières avec la mer. Le territoire est, selon la division du
MINAET (Ministry of the Environment, Energy and Technology), dans la zone de
conservation d'Osa (ACOSA), sous-région de Coto. Historiquement, les Ngöbes
sont venus du Panama au Costa Rica, poussés par la destruction de la forêt et
les pressions de la société moderne dans les années 1950. Au niveau climatique, ce sont 3 à 4 mois secs
par an et des précipitations annuelles d'environ 3000 mm. Les forêts
représentent 69 % du territoire, et le reste correspond à des prairies et des
bois secondaires. Au niveau ethnobotanique, les connaissances traditionnelles
ne sont plus toujours transmises aux nouvelles générations. Il y a donc de
moins en moins de médecines traditionnelles.
Selon moi, ce groupe ethnique se
caractérise par sa forte identité et son authenticité, caractéristiques
conservées grâce à son éloignement de la civilisation. Leurs racines
culturelles se reflètent dans leur langue (le Ngöbere) ainsi que dans leur
connaissance de la nature (ethnobotanique), les constructions typiques (les
ranchs de palmiers), les robes des femmes très colorées, les sacs en fibres de
teintures naturelles, les chapeaux entièrement fabriqué à partir de feuilles de
palmier tressé, la cuisine traditionnelle. Les Ngöbes pratique
traditionnellement l’agriculture itinérante utilisant la méthode de culture sur
brûlis qui exigeait de vastes territoires pour pouvoir intercaler des zones de
culture avec d'autres zones de jachère prolongée. Ils complètent leur alimentation
par la chasse, la pêche et la cueillette de fruits, de plantes aromatiques et
de champignon. Suite à la diminution de la productivité de ce système de vie du
fait de la pression démographique, de la dégradation de leurs terres et la
pression urbaine, certains Ngöbes ont intégrés le travail de producteur
agricole, éleveur ou encore salarié.
Mon stage a pour première approche la
compréhension au niveau agronomique de l’organisation d’un marché local sur
lequel toute une communauté indigène s’appuie. J’ai donc évolué au sein du
fonctionnement d’une famille se basant uniquement sur la production agricole et
la relation avec la forêt pour subvenir à ses besoins. Mon objectif étant donc
d'appliquer l’itinéraire technique du défrichement/ensemencement à la transformation/conservation
d’une grande diversité de culture : banane, banane plantain, manioc, maïs, riz,
piments, diverses variétés de haricot, mais aussi une diversité impressionnante
de citronnier, oranger, mandarinier, plusieurs variétés de cocotier, le pommier
d’eau, le manguier, etc. Je me suis aussi assuré de prendre soin de
l’alimentation des animaux de la ferme, poules, dindes, canard, oie, cochon,
chèvre, mouton, à l’aide des productions citées précédemment, ainsi que de
participer à l'abattage et la transformation des viandes en un produit
acceptable sur le marché local. De plus, l’apprentissage de la cueillette, de
la chasse et de la pêche ont été des recours nécessaires à la compréhension du
mode d’alimentation de cette communauté, cette culture.
Ensuite ma mission principale concernait le
lancement d’un corridor biologique pour permettre une libre circulation de la
faune entre les différentes parties de la jungle. A terme, c’est donc voir les
populations d’animaux, en particulier celle du singe congo et du capucin à
visage blanc, maintenir leur nombre et leur potentiel de reproduction. Pour
cela, j’ai mené une étude générale du corridor visant à décrire les populations
d’arbres et les variations écosystémiques rencontrées en son sein. J’ai aussi
veillé au lancement de la reforestation d’une partie sensible du corridor,
encore impactée par les défriches effectuées auparavant et qui le maintiennent
non fonctionnel encore aujourd’hui.
Quant au ressenti après la réalisation dans
ce stage, je me sens plus proche de mes idéologies en termes de compréhension
de l’être humain et de la relation qu’il peut développer avec son
environnement. J’ai compris au niveau organisationnel et social à quoi
ressemble l’humain dans sa relation la plus pure avec la nature. Et de ce fait
je comprends que la connexion que j’ai toujours eue avec la nature, m’initie à
un mode de vie plus respectueux et décomplexifié. Je n’ai plus de crainte quant
à ma place dans la société que j’ai toujours vue en souffrance car je sais
maintenant que j’aurai toujours la chance d’être humain dans mon intégralité
dans un environnement naturel. Je peux moi-même décider par un acte de volonté
de vivre dignement cette souffrance car je sais d’où je viens et que je
représente au sein de la société ce contact qui nous humanise.
Pour conclure cette introduction au rapport
de stage disponible de manière intégrale, je retiens plusieurs points positifs
et négatifs. J’ai éprouvé pas mal de difficultés à être en dehors d’une
couverture réseau. En effet, en tant que stagiaire, les communications sont
indispensables pour permettre une éventuelle réorientation de la part du
promoteur. Ce qui a rendu ma prise de décision plus lente et difficile à
porter. J’ai donc appris à l’assumer en restant objectif par rapport à l’effort
que j’ai dû fournir dans tous mes déplacements pour rester joignable. Mais cela
m’a offert une déconnexion indispensable à la compréhension du monde de vie des
indigènes. J’ai été confronté à des habitudes et des difficultés qui m’étaient
inconnues et parfois difficiles d’accepter. En effet, la précarité dans
laquelle les indigènes vivent n’étant que très peu communiquée, il m’a été
compliqué de m’adapter aux moments de manque et par conséquent de créer un
dialogue à ce sujet. De plus, ceci induisait une charge supplémentaire au bon
développement du projet forestier me menant à prendre conscience des
différences de besoins qui nous animent entre européens et indigènes
d’Amérique.
Henri Dupont, 2020
Rapport de stage de Henri
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